Photos de l'article Imprimer l'article Accueil Fermer cette fenêtre Imprimer l'article Accueil Sérata Wari ou Awélé

FOR 15O YEARS PREHISTORY HAS BEEN AT THE HEART OF MANY A HEATED DEBATE. THERE ARE THOSE WHO ARE RELENTLESSLY SEARCHING AND THOSE WHO HAVE IMPLICIT FAITH.

Start speculating upon the origins of mankind and you’ll soon find yourself confronted with a mystery which is, as yet, beyond human understanding. There are two ways of tackling the problem: either you carry out meticulous and seemingly endless investigations or you put your entire trust in the Scriptures.
From the beginnings of time man has found flint fragments. He has looked upon them as “thunderstones”, torn off the rocks by flashes of lightning, or petrified snakes’ tongues. They are amulets which are greatly sought after since they are said to protect men from disaster at sea and to ease suffering during childbirth.
It is true that very old and different skulls were found in Engis in Belgium in 1830 and also in Gibraltar in 1848, but they went practically unnoticed.
It was not until 1856, when another skull was discovered in Feldhofer Cave in the Neanderthal valley in Germany, that a name was given to it: Neanderthal 1. The news spread quickly around the world.
This is why we can say that prehistory was born with Neanderthal 150 years ago, which is incredibly recent when you consider how old the fossils are.
This newborn science had a “painful delivery” because up until then the Scriptures were the only writings that told of the origins of mankind… and for all those who had never doubted their veracity the intrusion of this cranium with its prominent eyebrow arches, initially regarded as bestial, was a truly horrible sight.


TOUT S’EXPLIQUE, MÊME MAL

Avant que ces hommes fossiles ne resurgissent au hasard de travaux qui n’avaient au début pas pour but de les chercher, l’homme était le chef d’œuvre de la création divine, la Genèse.
En l’étudiant, un archevêque irlandais, James Usher, avait même réussi a en fixé la date précise : le 23 mars de l’an 4004 avant Jésus-Christ. Il était parvenu à ce résultat en additionnant le nombre probable de générations qui s’étaient succédées depuis Adam et Eve, jusqu’au fameux soir de Noël où Jésus était né à Bethléem. Et on y croyait, de force ou de gré.

Certes, l’homme avait péché. Le chef d’œuvre avait révélé quelques faiblesses. Dieu avait dû déclencher un débordement universel des eaux, un Déluge, pour faire émerger une nouvelle humanité. La preuve surgit en 1712 en Suisse, dans le schiste de la bonne ville d’Oensingen.
Le chanoine et médecin Johann Jakob Scheuchzer décèle le squelette épouvanté d’un homme témoin du Déluge qu’il nomme par conséquent « Homo Diluvii Testis ». Il reconnaît en lui un représentant de la race maudite, victime de la colère de Dieu.
Trois générations plus tard, le paléontologue français Georges Cuvier découvre que ce squelette est en réalité celui d’une salamandre géante. Cette révélation, drôle et cruelle, ne fera pas pour autant avancer les choses, bien au contraire. Elle étaiera la thèse selon laquelle l’homme ayant une origine unique et un surgissement aussi immédiat que définitif, « il n’y a point d’os humains fossiles !», et c’est d’ailleurs Georges Cuvier lui-même qui l’affirme.

On peut en rire aujourd’hui et mesurer l’obscurantisme de cette époque pas si lointaine avec fascination. Mais sans perdre de vue que dans 150 ans, nos croyances, mêmes scientifiques, feront sans doute frémir nos successeurs de la même façon.

FOUILLE TOUJOURS !

Face à cette nébuleuse, des hommes et des femmes consacrent leur vie à chercher. Et même si une vie semble bien courte pour appréhender l’infini qui nous a précédé, ils avancent, progressent, en s’efforçant de faire fi des préjugés.
Au Musée de l’Homme à Paris, où la galerie « La Nuit des Temps » présente les bribes d’histoire et d’ossements connus à ce jour, nous avons rencontré Jean-Louis Heim, paléoanthropologue, anthropologue des hommes fossiles, et en particulier des Néandertaliens. Chercheur, Jean-Louis Heim est également Professeur au Muséum National d’Histoire Naturelle et à l’Institut de Paléontologie Humaine de Paris. Un scientifique heureux de partager ses connaissances qui nous a raconté son parcours et notamment comment il a hérité de l’ensemble des fossiles de la petite population néandertalienne de La Ferrassie.

LES CAISSES DE FOSSILES HUMAINS NÉANDERTALIENS DE LA FERRASSIE CONFIÉES AU JEUNE JEAN-LOUIS HEIM

Fils de Roger Heim (1900-1979), botaniste très attaché à la protection de la nature, Jean-Louis Heim est depuis l’enfance passionné par les sciences. Il obtient en 1960 un poste de chercheur au C.N.R.S. (Centre National de la Recherche Scientifique). Il a 20 ans et rêve de voyages et de rencontres avec des populations lointaines. Il est en train de faire ses bagages pour l’Ethiopie lorsqu’une guerre civile éclate qui interdit toute arrivée d’Européens. Le Professeur Henri Vallois, son directeur de thèse, anthropologue au Muséum National d’Histoire Naturelle, lui propose alors un thème d’étude qui va bouleverser sa vie : les hommes fossiles de La Ferrassie, un abri sous roche situé sur la commune de Savignac-de-Miremont en Dordogne.
Cet ensemble unique en Europe de sept sépultures, vieilles d’environ 70 000 ans* et fort bien conservées, avait été découvert à partir de 1909 par l’instituteur Denis Peyrony et le docteur Louis Capitan qui en exhumèrent six. La septième sépulture sera découverte par Henri Delporte en 1973.
Le premier squelette découvert, l’Homme de la Ferrassie 1, avait fait grand bruit car le "bonhomme" comme l’appelle Louis Capitan n’est pas un tas d’os en vrac mais repose, recouvert d’un peu de terre et de branchages, dans une sépulture visiblement volontaire.
Après la découverte d'un premier squelette néandertalien le 7 mars 1908 au Moustier, 20 km plus loin, officialisé le 12 août 1908 après avoir été quatre fois déterré pour faire monter les enchères par son inventeur, l'antiquaire suisse Otto Hauser, et dont on ne comprend pas initialement la position sépulcrale, après aussi la découverte de l'homme de Néandertal de la Chapelle-aux-Saints par les frères Bouysonnie le 3 août 1908, cette fois-ci bien identifié comme une sépulture et qui commencera à bousculer sérieusement les esprits, la découverte du "bonhomme" de La Ferrassie par Denis Peyrony qui prend soin de le faire photographier   dans sa position sépulcrale, encore à demi enterré et tel que ses congénères avaient dû le déposer, débloque les derniers verroux psychologiques. Oui, Néandertal enterrait ses morts ! Cette  vision poignante fera le tour du monde et marquera fortement les esprits. À la suite, six autres sépultures, une femme et cinq enfants, seront mis à jour à La Ferrasssie et permettront d’apprendre beaucoup sur leurs modes de vie et de croissance très méconnus jusqu’alors.

Photographie de La Ferrassie I, prise par Monsieur Lucas, instituteur aux Eyzies le 27 septembre 1909 Cette sépulture découverte à La Ferrassie en 1909 contribua à l’émergence d’un autre regard sur Néandertal

NÉANDERTAL SAUVÉ PAR SES MORTS

Nous reproduisons ici la lettre manuscrite du Docteur Capitan écrite le 23 septembre 1909 et adressée à Marcellin Boule, directeur du Laboratoire de Paléontologie au Muséum National d’Histoire Naturelle, pour lui faire part de la découverte par Denis Peyrony du premier squelette de La Ferrassie et le convier à venir assister à son dégagement le 27 septembre suivant.

Nous publions également les notes et croquis de l’abbé Henri Breuil décrivant précisément cette sépulture qui fit date. À partir de ce jour, on leur reconnut une âme donc une essence divine. Dans l’opinion publique, le fait qu’il enterre ses morts, y compris un fœtus de 7 mois probablement mort né, le fait apparaître sous un jour nettement plus favorable. Oubliée la brute épaisse, mi homme mi-singe. Néandertal devient un être humain, sophistiqué dans ses outils, attentionné envers ses congénères.

Nous publions aussi une très émouvante carte postale de Denis Peyrony adressée à Marcellin Boule le 5 janvier 1918 où il dit reprendre ses travaux, classant les collections laissées dans les salles du château des Eyzies depuis avril 1915, et se languissant de voir la guerre s’achever enfin : « Puisse l’année 1918 nous amener la paix victorieuse et tant désirée de nos chers poilus ».

« OCCUPEZ-VOUS BIEN DE MES NÉANDERTALS, ON A  DIT TELLEMENT DE BÊTISES... »

Le Professeur Vallois confia donc tout son « trésor » de La Ferrassie au jeune anthropologue Jean-Louis Heim. Les premières notes, relevés et photographies, mais aussi des caisses emplies de terre qu’il fallait encore trier : « Je vieillis, je n’aurais pas le temps de finir… Occupez-vous bien de mes Néandertals, on a dit tellement de bêtises… »
Le jeune chercheur prend ces Hommes de Néandertal à bras le corps et observe, mesure, compare des années durant. Il rédige les Mémoires 35 et 38 des Archives de l’Institut de Paléontologie Humaine : « Les Hommes fossiles de la Ferrassie » Tome I et II, parus en 1976 et 1982. Au fil du temps, il apprend à reconstituer leurs squelettes et leurs crânes. En 1985, il remonte, face aux caméras du Service du Film de Recherche Scientifique le crâne de l’Homme de la Chapelle aux Saints découvert en 1908 en Corrèze.
La première reconstitution effectuée par Marcelin Boule en 1911 accuse quelques erreurs involontaires mais qui ont une conséquence désastreuse. Néandertal est depuis représenté courbé, les jambes fléchies, à la manière d’un grand singe. En remettant minutieusement chaque fragment d’os à sa place, Jean-Louis Heim démontre qu’il avait en réalité une stature debout identique à la nôtre. Un petit pas pour l’homme mais un grand pas pour Néandertal.

LA CROISSANCE DIFFÉRENTE DES NÉANDERTALIENS

Disposant de fossiles d’enfants à différents âges : fœtus de 7 mois, nouveau-né à terme, enfant de 23 mois (ce dernier ayant été découvert en 1973 lors d’une deuxième campagne de fouilles menée par Henri Delporte), enfants de 3 et 10 ans, le chercheur va en tirer des enseignements sur la croissance des Néandertaliens. Il rédige en 1982 : « Les Enfants Néandertaliens de La Ferrassie » publié par la Fondation Singer-Polignac.
Ses conclusions sont les suivantes : en raison d'un dosage hormonal supérieur au cours des premières années de la vie, les Néandertaliens arrivent à l’âge adulte plus tôt que les Sapiens, soit aux environs de 10 ans. Ils ont alors atteint leur maturité sexuelle et osseuse. À l’âge où nous, les Homo Sapiens, entamons la puberté, les jeunes Néandertaliens étaient déjà d’excellents chasseurs, dotés de la force musculaire et de l'agilité de sujets adultes.

Voici ce que Jean-Louis Heim écrit dans « Le Grand Abri de La Ferrassie » publié par l’Université de Provence, sous la direction de H. Delporte (études quaternaires 7, 1984) au sujet de cette précocité de l’ossification du squelette néandertalien et des ses conséquences sur leur développement osseux, comparativement aux enfants modernes :

« La croissance, très rapide dans les premiers stades de l’enfance, a en quelque sorte bloqué le développement de certains os ou parties du squelette. Par suite de cette allométrie, quelques caractères ancestraux d’héritage archanthropien, tels que le torus sus orbitaire, le bourrelet occipital ou les proportions respectives du crâne, demeurent encore présents chez les Néandertaliens, alors qu’une croissance plus lente les a effacés chez les Hommes modernes. »

Cette piste endocrinienne doit toutefois être approfondie car comme le précise le Professeur Heim : « On n’a pas la possibilité de mesurer les taux hormonaux dans les ossements retrouvés, mais on a la possibilité de constater les effets de dosages hormonaux excessifs sur l’homme moderne. Par exemple, il est à noter que dans les cas d’acromégalie – hypertrophie des os de la face et des extrémités des membres dûe à un excès de sécrétion d’hormones somatotropes – on arrive à retrouver sur l’homme moderne des caractères typiquement néandertaliens tels que : épaississement des parois crâniennes, développement des arcades sourcilières, développement également des sinus avec très forte pneumatisation au niveau frontal et maxillaire, un caractère typiquement acromégale que l’on retrouve chez tous les Néandertaliens. »
Néandertal lorsqu’on l’a découvert il y a 150 ans nous avait fait peur précisément à cause de ses arcades sourcilières proéminentes. Le délit de "sale gueule" dont il a longtemps pâti fut peut-être notre réaction face à une différence en partie hormonale.

Sommes-nous au final de la même espèce ? Aurions-nous pu nous accoupler ?
Les Néandertaliens parlaient-ils ? Comment peut-on reconstituer leur voix ?
Et qu’est-ce qui a provoqué la disparition de ces populations si robustes ?


Le chercheur tout au long des interviews qu’il nous a accordées nous fait partager ses avancées mais aussi ses doutes. Un voyage passionnant dans l'esprit sans cesse en ébullition d’un infatigable chercheur.

SAVOIR, CROIRE, CROIRE SAVOIR... LA BATAILLE CONTINUE 150 ANS PLUS TARD

Ils ont eu du mérite les braves curés préhistoriens du début du siècle, ramassant avec un infini respect les restes de ces hommes antédiluviens, inconnus au chapitre. Ils ont fait preuve d’honnêteté intellectuelle et ont su pour certains être des savants prêtres plutôt que des prêtres savants.
L’abbé Breuil, le pape de la préhistoire, surnom facétieux quand on sait ses distances avec le Vatican, avait eu pour professeur au séminaire d’Issy-les-Moulineaux l’abbé Jean Guibert. Il incarnait un mouvement de renouveau au sein de l’Eglise à la fin du XIXème siècle qui réfutait en bloc le concordisme, l’universalité du Déluge et la fixité de la création directe de chaque espèce. En somme un maître providentiel. Mais dans le même temps, l’Eglise catholique traditionnelle diabolisait préhistoire et évolutionnisme. Un siècle plus tard, elle le fait avec une véhémence accrue.
Si la date avancée par James Usher : création de l’homme le 23 mars de l’an 4004 avant Jésus-Christ, et la salamandre géante du chanoine Scheuchzer – homme témoin du Déluge – nous semblent d’un autre temps, la querelle entre créationnistes et évolutionnistes est loin d’être réglée et connaît aux Etats-Unis depuis quelques temps un sursaut violent.
Selon un sondage effectué par l’institut PEW en juillet 2006, près de deux Américains sur trois (64%) sont favorables à l’enseignement du « dessein intelligent » en plus de la théorie de l’évolution dans les écoles. Le « dessein intelligent » est une nouvelle mouture du créationnisme pour le rendre légal, une décision de la Cour Suprême en 1987 ayant considéré que cette vision biblique ne pouvait être enseignée puisqu’elle est religieuse. Le « dessein intelligent » se garde bien de reprendre les récits de la Genèse pour ne pas se faire l’apôtre d’une seule religion mais avance l’idée que l’évolution est guidée par un être supérieur. Et pas moins de 38% des personnes interrogées souhaitent que l’on élimine tout simplement Charles Darwin (auteur de « Sur l’Origine des Espèces » en 1859) des programmes scolaires.
Entre science et croyance, le combat n’est pas terminé et la préhistoire en demeure l’une des plus terribles arènes.

Sophie Cattoire

* Selon les dernières estimations d'Alain Turq, chercheur et conservateur au Musée National de Préhistoire, La Ferrassie aurait livré des fossiles humains vieux de 70 à 80 000 ans, estimations qui devront être validées par de nouvelles datations.

Références bibliographiques :

Marcel Jullian, Le Roman de l’Homme, La Préhistoire, 1997, Albin Michel

Erick Seinandre, Les origines de l’Homme, avant et après Lucy, Petite encyclopédie Larousse, 2004, mise à jour 2005.

La Recherche présente Néandertal, Éditions Tallandier, 2006

Jean-Louis Heim, Les hommes fossiles de La Ferrassie (Tome I), Mémoire 35, Archives de l’Institut de Paléontologie Humaine, Masson, 1976

Jean-Louis Heim, Les hommes fossiles de La Ferrassie (Tome II), Mémoire 38, Archives de l’Institut de Paléontologie Humaine, Masson, 1982

Dominique Grimaud-Hervé, Frédéric Serre, Jean-Jacques Bahain, Roland Nespoulet, Histoire d’Ancêtres, La grande aventure de la préhistoire, Artcom’/Errance, 2005

Jean-Jacques Hublin, Les origines de l’homme, en savoir plus n°11, Hachette, 1979

Le Grand Abri de la Ferrassie, Fouilles 1968-1973, études quaternaires - 7, dir. H. Delporte, Université de Provence, Éditions du Laboratoire de Paléontologie Humaine et de Préhistoire, 1984

Sur les chemins de la Préhistoire, l’abbé Breuil du Périgord à l’Afrique du Sud, Musée départemental de Préhistoire d’Île-de-France, Somogy, 2006

Nous remercions le professeur Jean-Louis Heim pour son accueil dans son Laboratoire d'Anthropologie au Musée de l’Homme à Paris et pour la documentation à laquelle il nous a donné accès. Nous remercions Jean Lentignac pour ses photographies, nous remercions également le Musée de l'Homme et le Département des Sciences Naturelles de la Préhistoire du Muséum National d'Histoire Naturelle.


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