IL NOUS FAUT DU FIPA
"C'est fou les beaux films et documentaires qu'on peut voir ici. Pourquoi ne les
voit-on pas tous à la télé ?"
Prêts à foncer, les festivaliers posent d'emblée la bonne question. Nous ne verrons pas tout sur nos chaînes
françaises parce que la sélection réalisée à l'international par l'équipe du FIPA
est un éventail idéal qu'aucun diffuseur national ne pourrait rassembler. Le FIPA
l'a fait pour eux précisément pour qu'au Fipatel, lieu de visionnage dévolu aux
professionnels, les programmateurs des chaînes européennes puissent faire leur marché.
Quant aux festivaliers, ils ont accès à 125 programmes et c'est déjà bien plus qu'on
ne peut en voir en une semaine. Alors, vivons ce FIPA à fond car tout y est : festivaliers,
salles de ciné, présence en avant-séance de nombreux réalisateurs et producteurs,
compétition par genres avec soirée de clôture glamour éclairée par des visages connus :
Alexandra Stewart, Marushka Detmers, Elizabeth Vitali, Samuel Labarthe, Bernard
Menez. Bref, à Biarritz, pour bien commencer l'année, tous les ingrédients d'un
grand festival de cinéma sont réunis. La seule différence c'est donc que les films
projetés sont destinés directement à la télévision, sans sortie préalable en salles.
FIPA D'ARGENT du documentaire de création et essais :
"MIEHEN KUVA" (Portrait d'un homme) de Visa Koiso-Kantilla
production : Guerilla Fims Ltd (Finlande)
Tout ça pour dire qu'il faut parfois se pincer pour se rappeler qu'on est pas face
à du septième art patenté. Surtout devant certaines prouesses d'intelligence et
de sensibilité comme l'incroyable film finlandais qui a décroché le FIPA d'Argent
du documentaire de création cette année :
"MIEHEN KUVA" (Portrait d'un homme) de Visa Koiso-Kantilla, une production Guerilla
Film Ltd. Un caméraman et un preneur de son accompagnent, sans script, le vrai cheminement
d'un homme qui, à quarante ans, entreprend de chasser ses démons. Son père s'est
suicidé alors qu'il avait sept ans, il élève seul son fils, il sait qu'il boit trop.
Il va marquer une pause dans sa vie, aller revoir ceux qui ont connu ses parents,
tenter de comprendre et même aller jusqu'à l'endroit, l'atroce grenier de tous ses
cauchemars, où son père s'est tiré une balle dans la tête. Les dialogues, la mise
en scène, la psychologie des personnages, qui n'ont donc pas été écrits mais sont
le fruit d'une captation du réel, sont si forts, si proprement cinématographiques
qu'on est totalement bluffé. Plus que tout, le partage de ces moments incroyables
est perceptible entre cet homme filmé et l'équipe qui le suit, légère mais si réconfortante.
Il y a cette scène où le héros, dans tous les sens du terme, revient enfin sur la
tombe de son père, après la vision du grenier. Il est si bouleversé, il fait volte
face et se dirige d'un coup vers le preneur de son, la perche, le casque
et le magnéto en bandoulière, pour le serrer de toutes ses forces dans ses bras :
"Merci de m'accompagner, ce serait trop dur sinon, merci d'être là."
Un long silence infiniment tendre
suit, qui n'a rien d'artificiel. Là résolument, le réalisateur a laissé la
fiction émerger du réel, comme le prescrivait la nouvelle vague dans les années
60, en cherchant à mettre en scène le quotidien, mais sans avoir envisagé de
filmer au quotidien la vie telle qu'elle vient. Plus tard, la caméra sur pied probablement, filme au loin les trois hommes qui se déshabillent
avant se plonger à tour de rôle dans la rivière. Vers la fin du film, ce père apaisé
retrouve son fils et trouve enfin les mots pour le rassurer :
"Oui, mon père s'est suicidé, mais je te promets que moi je ne le ferai
jamais."
Voilà, la malédiction est rompue. Ils sont tous deux au bord d'un lac et se parlent
dans cette langue finnoise que parlent aussi plus au Nord les éleveurs de rennes
lapons, assis au bord des glaciers, en harmonie avec la nature autour et à l'intérieur
d'eux-mêmes.
Et si filmer c'était comprendre, prendre avec et transporter intacte, par la magie
de la capture de ce qui n'existe déjà plus, la flamme si fragile de ces instants
de grâce ?
C'est
à Teresa Cavina, déléguée générale du FIPA, que fut confiée la mission de visionner
plus d'un millier de films pour en retenir une centaine. Elle a choisi de nous faire partager ce
qui l'a vraiment transportée ailleurs, justement sur la scène de ces instants
uniques, si parfaitement
restitués. Écoutez le très bel entretien qu'elle nous a accordé à ce sujet. Il illustre
bien l'engagement humain qui prévaut nécessairement à l'élaboration de ce type de programmation.
Que ce film ait reçu le FIPA d'Argent reflète bien toute la vitalité, l'audace et
l'humanisme du FIPA. Il semble juste aussi, au regard de ce qu'est devenue la production
des films scandinaves depuis une vingtaine d'années, de rendre hommage au Festival
du Film Nordique de Rouen, première grande fenêtre offerte historiquement à ces
productions de la partie la plus septentrionale de l'Europe.
FIPA D'OR documentaires de création et essais :
"DREAMING NICARAGUA" de Marcelo
Burkin
production : Fabretto Children's Foundation (États-Unis)
Le confort matériel n'exclut pas les démons. Le manque de tout n'exclut pas les
passions. De nombreux films nous ont ainsi génialement secoués en nous montrant
le combat pour la vie, plus fort que tout. Des films engagés, terribles et lumineux
à leur façon. Un très bel exemple est celui du film : "DREAMING NICARAGUA" de Marcelo
Burkin, une production Fabretto Children's Foundation (Etats-Unis), une association
qui lutte concrétement pour la santé et l'éducation d'enfants vivant dans des
villages très pauvres du Nicaragua. Le réalisateur
les dévore des yeux, eux sont heureux de rire et de rêver à voix haute face à cet
objectif qui les rend soudain si importants. En toile de fond, un professeur de
dessin muni de ses seaux de peinture leur explique, à la façon d'Albert Jacquard,
qu'il sont tous des merveilles et que le soleil qui est en eux ne demande qu'à
jaillir de mille couleurs.
Voilà encore un film sans script, des instants spontanés saisis grâce au temps passé
et à la bienveillance sincère, la disponibilité du regard et du cœur.
Le montage, drôle, incisif, astucieux, fait le reste et le voyage démarre d'emblée
sans jamais nous laisser en chemin. Il y aura des scènes à vrai dire à pleurer,
des enfants qui ont faim, qui se grattent, des familles qui font leurs seules courses
sur d'énormes décharges envahies de mouches mais toujours, l'entraide, l'humour
pour sauver la dignité. Et surtout, au cours du générique de fin, la preuve qu'il
ne s'agit pas d'un voyeurisme ponctuel mais bien d'un vrai témoignage pour avancer. On
y apprend que les enfants ont pu être soignés, scolarisés, et que l'association
Fabretto ne les a pas laissés tomber.
Une association que vous pouvez contacter à Madrid auprès de Patricia Aragones,
grâce au website : www.fabretto.org
L'ECLA DE LA RÉGION AQUITAINE
Huit films soutenus par la Région Aquitaine étaient présents au FIPA cette année.
Une représentation notoire qui récompense le travail de fond entrepris par la Région
Aquitaine depuis déjà vingt-cinq ans pour développer la production audiovisuelle.
Ce travail est confié depuis l'an dernier à la nouvelle agence dénommée ECLA (Écrit,
Cinéma, Livre, Audiovisuel) dont le Pôle spécifiquement cinéma et audiovisuel est
dirigé par Jean-Raymond Garcia. Toute l'équipe d'ECLA avait fait le voyage jusqu'à
Biarritz cette année pour présenter de façon complète et concrète un premier bilan
et les perspectives de déploiement de son champ d'action qui poursuit trois missions
essentielles :
- le soutien du cinéma et de l'audiovisuel
- l'accompagnement de la filière professionnelle
- l'action culturelle cinématographique
- l'éducation aux images.
À la faveur de l'entretien qu'il nous a accordé
à Biarritz, Jean-Raymond Garcia explicite
ces différents points, afin que l'information circule de la façon la
plus naturelle qui soit.
Ndlr : c'est le grand bonheur de notre web tv www.albuga.info que de pouvoir pratiquer
l'écologie dans le journalisme, c'est-à-dire respecter la nature humaine, en la
laissant s'exprimer sans la dénaturer.
NOUVELLES FORMES DE CRÉATION SUR LE WEB
Au FIPA, on voit force films et entre deux s'opèrent des rendez-vous importants,
rassemblant tous les acteurs de la création audiovisuelle pour débattre des grands
sujets du moment. Parmi ceux-ci, la question de l'émergence de nouveaux programmes,
conçus spécialement pour le web. Des web séries notamment qui inventent une nouvelle
écriture intégrant l'interactivité qu'offre le support, avec pour le spectateur
la possibilité par exemple de se déplacer librement dans l'histoire, de suggérer
des rebondissements ou de choisir lui-même la fin. Sur le plan de la création, c'est
un champ des possibles fascinant, où l'innovation a toute sa place. Reste à lui
trouver un modèle économique, en complément des autres médias.
Dans le monde de la production – cinéma, télévision – l'aval finance l'amont; c'est-à-dire
que le flot de création est nourri par les recettes de la diffusion et de la distribution.
Comme le web est le plus souvent gratuit en consultation, il ne peut à ce jour alimenter
cette chaîne. Comme l'indique Hervé Rony, directeur général de la SCAM :
"La démultiplication des expositions, des diffusions sans aucune retombées risque
de déséquilibrer la filière de production."
D'où la nécessité de se saisir dès à présent du web pour créer à l'échelon national
ou européen un véritable portail, solide, moteur, pour faire face aux géants américains
en la matière. On sait qu'il existe alors un gisement de ressources publicitaires
non négligeable.
Le CNC, qui par vocation encourage la création, est déjà engagé dans une véritable
dynamique de soutien des programmes pour le web. Eric Garandeau rappelle que 180
projets – web fictions, documentaires, magazines et spectacles – ont déjà bénéficié
d'aides sélectives pour un montant total de six millions d'euros, coup d'envoi d'une
politique d'aide à long terme :
"Ce nouvel horizon qui s'ouvre avec le numérique est une chance pour le renouvellement
de la création audiovisuelle française et pour le rayonnement de notre production
sur la scène internationale."
Il indique par ailleurs que l'ouverture du COSIP automatique aux nouveaux réseaux
est imminente, la publication du décret au Journal Officiel est une affaire de jours.
Invité à faire entendre sa voix lors de cette table ronde intitulée :
"Télévision
de demain, la création sera-t-elle connectée ?" organisée par le FIPA au casino de
Biarritz ce vendredi 28 janvier, Dimitri Grimblat, web auteur et réalisateur du
web documentaire "En quête de héros",
souligne la richesse de cette nouvelle approche en terme d'écriture :
"Les web séries nous permettent de créer avec le spectateur, ce qui ouvre un univers
inexploré."
À terme, l'un des enjeux de l'évolution de la production audiovisuelle
consistera donc à intégrer ces nouveaux programmes conçus pour le web,
nouvel espace de créativité.
Sophie Cattoire
NB : Pensez bien à feuilleter tout l'album des photos en plein écran car il y en
a plus que celles visibles sur les quatre pages.
Vous trouverez ci-dessous :
- le Palmarès du FIPA 2011
- la liste des huit films soutenus par la Région Aquitaine présentés au FIPA
PALMARES FIPA 2011 (pdf)
Palmarès en ligne sur le site du FIPA
liste des huit films soutenus par la Région Aquitaine présentés au FIPA
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