Réflexion sur la Musique et la Danse en Dordogne
Il me semble que beaucoup de gens confondent musiques et danses folkloriques avec
musiques et danses traditionnelles. La différence fondamentale entre ces deux mouvements
exige une ouverture d’esprit que peu de nos anciens perçoivent ou ne veulent pas
percevoir. Il ne s’agit pas de créer des polémiques sur les différents niveaux d’interprétations
ou de compétences artistiques mais bien de démontrer que la danse et la musique
Folkloriques appartiennent à une époque donnée à laquelle il n’est pas recommandé
de toucher, réservé à un strict devoir de mémoire et réservé aux seuls spectacles
en costumes d’époque.
La danse et la musique traditionnelles que beaucoup de nos jeunes pratiquent, il
est vrai, avec plus ou moins de pertinence, va à l’encontre du style figé et rigoureux
que sous entend le terme Folklore. Il permet au danseur ou au musicien de créer
des rythmes évolutifs, de tenter certaines variances chorégraphiques ou mélodiques.
En fait, il s’approprie l’émotion qui se dégage de l’œuvre et s’autorise à transcrire
ce qu’il ressent sans pour cela dénaturer la valeur intrinsèque que lui a insufflé
l’auteur. Et c’est en cela que réside la difficulté. Si l’originalité de l’interprétation
permet d’ en améliorer la tenue, la couleur ou la force et que les danseurs s’y
retrouvent aisément, alors le résultat mérite encore plus de jubilation voire de
motivation ou pis encore, de pure jouissance. Une partition ne sert que de support,
le reste est tout simplement de l’improvisation.
En Morvan, en Bourbonnais, en Berry, comme dans les Landes ou en Bretagne, beaucoup
de mêmes titres musicaux sont joués différemment suivant que l’on se trouve en concert,
en bal public ou en spectacle. C'est là mon expérience personnelle en tant que danseur
et musicien de danses et musiques folkloriques, que danseur et musicien de bal public,
ou musicien de concert. Les spectacles folkloriques obligent à la rigueur, voire
quelquefois au stress de l’exécution mécanique parce que les lignes doivent être
respectées et que l’on doit s’inscrire dans un respect immuable de la beauté du
geste. Mais de grâce, de temps en temps, lâchons nous, prenons du plaisir à faire
partager la joie des noces rurales avec des bourrées enlevées et joyeuses, jouons
la comédie sur des scènes comiques ou tendres comme les branles ou valses lentes,
mettons le feu au cercle circassien en brisant l’ordre des rendez vous galants.
En vous libérant de vos contraintes maladives et en maîtrisant quelque peu la vitalité
excessive ou parfois nonchalante de la jeunesse, vous éviterez peut être le vieillissement
de nos groupes qui semble inévitable si vous continuez ainsi de les vider de leur
substance créative.
Vous verrez alors comme les jeunes s’amusent en pastichant les gestes et les rituels
de nos villages, en vivant pleinement leur joie de découvrir les vraies valeurs
de nos origines campagnardes et en y ajoutant avec bonheur leurs petites touches
personnelles. Je vous garantis que cela n’enlève rien au respect qu’ils doivent
à leurs aînés et envers les paysans et artisans qui ont permis à ce folklore d’être
un des plus riches du monde. Alors ne faisons pas en sorte de détruire inconsciemment
ce que nos anciens ont mis tant de temps à élaborer, en privant notre jeunesse de
construire à son tour une nouvelle forme de culture traditionnelle en prenant appui
sur ce qui a été créé auparavant.
Toutes les intelligences musicales s’expriment. Les petits amateurs pleins d’étincelles
lumineuses dans les yeux qui s’éclatent simplement avec une volonté de bien jouer,
même, si plus souvent qu’ils ne le voudraient, des petits volatiles moqueurs s’évadent
du soufflet d’un accordéon ou d’une vielle timide ou distraite. Et je ne parlerai
pas des couacs rigoleurs des cornemuses qui nous font sursauter, et grincer des
dents les pros du pot à bourdon. Mais n’oublions jamais que cela n’arrive pas qu’aux
autres. Pour ma part, je n’y vois que convivialité, tendresse et amour de la musique
avec ce petit brin de poésie qui accompagne si bien « les petites gens »
et qui fait que nous prenons plaisir à jouer ensemble, et tant pis pour les « stars ».
Alors ne confondons pas Folklore et son parterre de couleur et de figures géométriques,
et tradition avec les diables perfides qui défient les anges ravisseurs. Il faut
absolument les deux pour que s'équilibrent les forces générationnelles au lieu de
s’éliminer mutuellement.
Je peux danser toutes les danses sur des musiques différentes. Sinon, en bal, je
serais vite frustré et ferai banquette comme tous ceux qui refusent l’ouverture
et se bornent à danser que ce qu’ils connaissent dans leur groupe. Et je ne suis
plus seul à penser cela.
Je fais parti du groupe folklorique des Cigales Forcelaises et en même temps de
l’atelier danse et musique de bal de Port Ste Foy. Comme quoi on peut faire les
deux sans dénaturer les valeurs de chacun, mais au contraire créer un pont constructif
et complémentaire entre les deux.
Musicalement vôtre,
Jean BOURLIER
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