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LES BÉLUTES METTENT LE FEU AU CANTOU

Transmettre, c’est donner la chance d’apprendre. Et pourquoi pas en y prenant du plaisir ? Dépourvus de complexes et débordant de cette énergie toute fraîche qui fait éclore les projets les plus fous, l’air de rien, Elien et Nicolas, 19 et 20 ans, regard de braise et cœur vaillant, mettent le feu au cantou. C’est-à-dire, ravivent les traditions, en faisant fi des conventions qui auraient pu figer dans un interdit par trop obséquieux leur créativité intempestive. Oui, certes, le folklore c’est du sérieux, mais la joie de vivre aussi, d’autant que celle-ci est vitale. Alors, les musiques et danses traditionnelles, toutes nimbées qu’elles soient des sentiments d’amour et de fraternité des Troubadours, du martyre des Cathares ou de la révolte « Gardarem lo Larzac » contre l’extension d'un camp militaire - des moutons, pas des canons ! - peuvent aussi être légères, universelles et donner envie à tous de danser ensemble dans des pas connus à fond ou vaguement, mais toujours joyeusement. Et c’est ainsi qu’en plein cœur d’un hiver particulièrement rigoureux, nos deux accordéonistes tombés dans le diatonique comme dans un grand chaudron ont fait bouillir la marmite et chauffer les grattons à grand renfort de vielle, flutiau, sistre et tambourins, devenus djembés, jouant à tue-tête pour transporter la foule au pays des branles, bourrées et valses lentes qui nous enchantent. Alors merci Nicolas, merci Elien, vous êtes de très honorables bélutes du foyer et merci aussi à Jean Bourlier, accordéoniste et danseur qui nous a transmis le magnifique manifeste ci-après rédigé par un fin connaisseur ô combien ouvert à ses frères et au partage sans pré carré des traditions populaires. Qu’il en soit ici chaleureusement remercié.

Sophie Cattoire



Réflexion sur la Musique et la Danse en Dordogne

Il me semble que beaucoup de gens confondent musiques et danses folkloriques avec musiques et danses traditionnelles. La différence fondamentale entre ces deux mouvements exige une ouverture d’esprit que peu de nos anciens perçoivent ou ne veulent pas percevoir. Il ne s’agit pas de créer des polémiques sur les différents niveaux d’interprétations ou de compétences artistiques mais bien de démontrer que la danse et la musique Folkloriques appartiennent à une époque donnée à laquelle il n’est pas recommandé de toucher, réservé à un strict devoir de mémoire et réservé aux seuls spectacles en costumes d’époque.

La danse et la musique traditionnelles que beaucoup de nos jeunes pratiquent, il est vrai, avec plus ou moins de pertinence, va à l’encontre du style figé et rigoureux que sous entend le terme Folklore. Il permet au danseur ou au musicien de créer des rythmes évolutifs, de tenter certaines variances chorégraphiques ou mélodiques. En fait, il s’approprie l’émotion qui se dégage de l’œuvre et s’autorise à transcrire ce qu’il ressent sans pour cela dénaturer la valeur intrinsèque que lui a insufflé l’auteur. Et c’est en cela que réside la difficulté. Si l’originalité de l’interprétation permet d’ en améliorer la tenue, la couleur ou la force et que les danseurs s’y retrouvent aisément, alors le résultat mérite encore plus de jubilation voire de motivation ou pis encore, de pure jouissance. Une partition ne sert que de support, le reste est tout simplement de l’improvisation.

En Morvan, en Bourbonnais, en Berry, comme dans les Landes ou en Bretagne, beaucoup de mêmes titres musicaux sont joués différemment suivant que l’on se trouve en concert, en bal public ou en spectacle. C'est là mon expérience personnelle en tant que danseur et musicien de danses et musiques folkloriques, que danseur et musicien de bal public, ou musicien de concert. Les spectacles folkloriques obligent à la rigueur, voire quelquefois au stress de l’exécution mécanique parce que les lignes doivent être respectées et que l’on doit s’inscrire dans un respect immuable de la beauté du geste. Mais de grâce, de temps en temps, lâchons nous, prenons du plaisir à faire partager la joie des noces rurales avec des bourrées enlevées et joyeuses, jouons la comédie sur des scènes comiques ou tendres comme les branles ou valses lentes, mettons le feu au cercle circassien en brisant l’ordre des rendez vous galants. En vous libérant de vos contraintes maladives et en maîtrisant quelque peu la vitalité excessive ou parfois nonchalante de la jeunesse, vous éviterez peut être le vieillissement de nos groupes qui semble inévitable si vous continuez ainsi de les vider de leur substance créative.

Vous verrez alors comme les jeunes s’amusent en pastichant les gestes et les rituels de nos villages, en vivant pleinement leur joie de découvrir les vraies valeurs de nos origines campagnardes et en y ajoutant avec bonheur leurs petites touches personnelles. Je vous garantis que cela n’enlève rien au respect qu’ils doivent à leurs aînés et envers les paysans et artisans qui ont permis à ce folklore d’être un des plus riches du monde. Alors ne faisons pas en sorte de détruire inconsciemment ce que nos anciens ont mis tant de temps à élaborer, en privant notre jeunesse de construire à son tour une nouvelle forme de culture traditionnelle en prenant appui sur ce qui a été créé auparavant.

Toutes les intelligences musicales s’expriment. Les petits amateurs pleins d’étincelles lumineuses dans les yeux qui s’éclatent simplement avec une volonté de bien jouer, même, si plus souvent qu’ils ne le voudraient, des petits volatiles moqueurs s’évadent du soufflet d’un accordéon ou d’une vielle timide ou distraite. Et je ne parlerai pas des couacs rigoleurs des cornemuses qui nous font sursauter, et grincer des dents les pros du pot à bourdon. Mais n’oublions jamais que cela n’arrive pas qu’aux autres. Pour ma part, je n’y vois que convivialité, tendresse et amour de la musique avec ce petit brin de poésie qui accompagne si bien « les petites gens » et qui fait que nous prenons plaisir à jouer ensemble, et tant pis pour les « stars ».

Alors ne confondons pas Folklore et son parterre de couleur et de figures géométriques, et tradition avec les diables perfides qui défient les anges ravisseurs. Il faut absolument les deux pour que s'équilibrent les forces générationnelles au lieu de s’éliminer mutuellement.

Je peux danser toutes les danses sur des musiques différentes. Sinon, en bal, je serais vite frustré et ferai banquette comme tous ceux qui refusent l’ouverture et se bornent à danser que ce qu’ils connaissent dans leur groupe. Et je ne suis plus seul à penser cela.

Je fais parti du groupe folklorique des Cigales Forcelaises et en même temps de l’atelier danse et musique de bal de Port Ste Foy. Comme quoi on peut faire les deux sans dénaturer les valeurs de chacun, mais au contraire créer un pont constructif et complémentaire entre les deux.

Musicalement vôtre,

Jean BOURLIER

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