Capturer ce que l'on voit, quelle folie ! Tous les cours d'optique ne m'expliqueront
pas ce pouvoir magique qui nous est acquis. Certaines photos me font pleurer, tout
en me consolant d'avoir pu sauver cette part précieuse de la personne aimée, dans
cet endroit où nous avions cheminé. La mémoire stocke et fabrique des rêves, dans
cet autre monde où il me suffit de lever les bras pour m'envoler. La photo est un
rapt sans douleur du bonheur partagé. Celles de Jacques Saraben nous révèlent un
homme attentif, captif de chaque étincelle.
Ces temps-ci il a mitraillé sur le thème de l'eau. La Dordogne, la Vézère et les
petits ruisseaux qui coulent en toute saison au pied des mouflons. Oui , car il
y a des mouflons sur la Lande de Paunat où il a ouvert son atelier d'artistes baptisé
« La Source » comme il se doit. Ses « instants de vision » comme il les a nommés
nous entrainent dans son for intérieur, par ricochet. « Estás en el interior de
los reflejos, estás en la casa de la mirada » (Tu es à l'intérieur des reflets,
Tu es dans la maison du regard).
« La casa de la Mirada » c'est ce lieu de la création révélé dans le manifeste artistique
d'Octavio Paz dédié au peintre Roberto Matta. « El corazón es un ojo » (le cœur
est un œil) dit-il, et tout ce qui au fond de nous se reconnaît dans ce que l'on
regarde nous donne la force de rester en vie.
Avec la complicité d'Annie Delpérier, poétesse, et Michel Testut, écrivain, Jacques
Saraben présentera ses photos sur le thème de l'eau lors de la clôture du cycle
des cafés littéraires de Montpon-Ménestérol le 13 juin prochain. Une occasion de
rencontrer l'artiste, sa fougue et ses silences, et d'entendre dire des textes choisis,
au fil de l'eau.
Sophie Cattoire
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