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L’ÉPOPÉE RUGBYSTIQUE BUGUOISE

Grâce à leur large victoire face à Tournon (22-5) le 30 avril 2006, les Buguois ont été sacrés champions du Périgord-Agenais et, par ricochet, se sont ouverts les portes de la Fédérale 3. L’équipe renoue ainsi avec son formidable exploit encore présent dans toutes les mémoires : il y a dix ans, dans ce même stade Armandie d’Agen, à l’aube de son centenaire, le plus ancien club de village du Périgord, franchissait le cap du niveau national, une conquête attendue depuis 32 ans… Dans la foulée, le club allait se hisser en Fédérale 2 et s’y maintenir trois ans. Depuis le Bugue Athlétique Club est redescendu lentement mais sûrement en division Honneur, non sans douleur… Ce printemps 2006 sonne donc le glas des désillusions, le B.A.C. renoue avec la victoire. L’occasion de raconter l’épopée rugbystique buguoise, une légende qui s’écrit match après match et qui retrace en filigrane l’histoire du Bugue tout court. Celle d’une communauté d’hommes qui ont grandi sur les mêmes bancs d’école puis dans la même école de rugby, celle de copains aguerris ensemble à l’école de la vie.


UN SPORT DE BRUTES JOUÉ PAR DES GENTLEMEN 

Le rugby est un sport étudiant né dans un collège britannique vers 1880. Un certain Mr Webb aurait alors donné une forme ovale au ballon et jeté les bases des règles très subtiles de ce "sport de brute joué par des gentlemen". Mais laissons un éminent spécialiste local nous relater comment, au fin fond du Périgord Noir, il y 100 ans, allait surgir une passion farouche et tumultueuse pour le sport-roi.

LE MIRACLE JOYEUX D’ÊTRE À LA FOIS DIFFÉRENT ET ENSEMBLE 


"L’équipe de rugby, peuplée d’enfants nourris sous les mêmes toits, est le parfait microcosme d’un village ou d’une ville. L’équipe n’est pas constituée d’artificielles idoles de "one man show", mais des délégués naturels d’une société. Ses membres ne présentent pas le profil lisse des sportifs professionnels, ils émanent de tous les horizons sociaux pour s’y confondre le temps d’une aventure. L’employé municipal y côtoie le médecin, le cordonnier, l’agriculteur, l’étudiant, le mécanicien, le notaire, le boulanger… C’est le miracle joyeux d’être à la fois différent et ensemble. (…) Quand quinze hommes, à quinze heures, entrent sur le terrain, c’est toute une communauté qui y pénètre avec eux ; non pas à la manière stupide des supporters professionnels de football, mais à celle des indissociables cellules d’un organisme vivant."

Ainsi Guy Lagorce, écrivain, préface-t-il l’ouvrage de Pierre Lucien Bertrand, éditeur, poète et fin connaisseur du rugby qu’il a lui-même pratiqué au Bugue pendant vingt ans.

PIERRE LUCIEN BERTRAND : HISTORIEN DU RUGBY EN PÉRIGORD

Pierre Lucien Bertrand est aujourd’hui encore très investi dans la vie du club et fait partie de ceux qui se sont mobilisés pour sa remontée au plan national réussie ce printemps. Non content d’accompagner le B.A.C. au jour le jour dans ses nouvelles aventures, PLB, comme tous ses amis l’appellent, mène aussi au long cours, un prodigieux travail d’investigation pour retracer l’intégralité de l’histoire du Rugby en Dordogne.

Son ouvrage "Le Rugby en Périgord" (collection Fleur de Lys, PLB éditeur) nourri de documents d’archives émaillés de croustillantes anecdotes, retrace l’historique de tous les clubs de la Dordogne de 1902 à 1993. Un second volume est d’ores et déjà en préparation.

DU RUGBY ET DES CHÂTAIGNES À LA PELLE

L’enquête de PLB révèle entre autre ce fait surprenant : le club de rugby du Bugue est le plus ancien club de village du Périgord. Dans le sillage du grand aîné de Périgueux : le CA périgourdin fondé en 1892, le Bugue Athlétique Club apparaît ainsi sur les bords de la Vézère dès 1902.

"Dès le début en effet, quelques sportifs buguois faisant leurs études, les uns à Périgueux (où l’on jouait depuis 1892), les autres à Belvès, décidèrent de constituer l’embryon de ce qui allait devenir le Club Athlétique Buguois." Note Pierre Lucien Bertrand.

Les matchs se déroulent tout d’abord au vélodrome de la Piste où les attendent immanquablement de coriaces "supporters" :

"Le terrain du vélodrome avait des aspects pittoresques. Les trois châtaigniers, plantés sur son aire, gênaient dangereusement, mais le propriétaire ne voulut pas les couper. Les plaquages se réalisaient fréquemment sur les "écores" épineuses et le porteur du ballon s’arrangeait pour faire le tour des arbres, afin d’échapper à son poursuivant…"

WEST SIDE STORY SUR LES BORDS DE LA VÉZÈRE

Le Rugby fut au Bugue comme ailleurs un moyen idéal pour aplanir les différences sociales . C’est sur le terrain qu’on pouvait, entre hommes et à la loyale, se mesurer. Un peu à la manière de West Side Story les différents quartiers s’opposèrent avant de se rallier :

"Certains gamins de quartiers s’improvisèrent en équipes. C’est ainsi que naquirent les "redoutables" minimes de La Farge, vers 1913, qui rencontraient leurs homologues de la Pace de la Mairie ou du Cingle. Cela finissait parfois mal. La plupart devinrent titulaires du CAB plus tard, ou d’autres clubs, comme René Lescombes (3/4 centre Limoges), Rejou (Périgueux). Ils étaient conseillés par les plus grands, dont Gilbert Dujarri, les frères Rejou, ou encore le futur arrière louis Bertrand (voir photo). Les parties se jouaient dans les prés de la Vézère pour ceux de la Place, ou dans les prés des Babots pour ceux de La Farge. Ces parties fratricides se terminèrent avec la guerre de 1914/18, où tous ces jeunes perdirent beaucoup de leurs camarades."

FAITES DU RUGBY, PAS LA GUERRE !

Le club, initialement dénommé CAB, Club Athlétique Buguois, connut deux périodes fastes : les années 20 et les années 60. Autant les guerres ont pu décimé les campagnes, autant les hommes ont su se retrouver, après, avec un esprit de village, de copains. D’après PLB, c’est cet esprit qui est le tremplin des plus beaux succès :

« Il suffit d’une génération très solidaire et le miracle s’opère. Le Bugue peut alors se surpasser. » Il sait de quoi il parle car il a toute son enfance baigné dans des histoires de rugby. Son père, Louis, fut un joueur émérite avant de devenir arbitre. Mission qu’il remplissait chaque weekend avec son épouse Madeleine, embarquée derrière lui sur sa moto, par tous les temps.

Il faut bien imaginer que le car n’existait guère au début de l’aventure. A la Belle Epoque, les déplacements se faisaient en cariole, en mobylette ou en train, moustaches au vent car les bacantes étaient alors très "tendance" comme le montre la première photo d’équipe datée de 1906 . Elle appartient à la collection de Maître Jean Eymerit, un grand nom du rugby local. Joueur dans les années 20, capitaine dans les années 30, président dans les années 50, il peut se targuer d’avoir été le notaire du village et la clef de voûte du club de rugby pendant toutes ces années-là. Un héritage honoré par son fils Jean-Jacques, joueur puis président dans les années 70.

LA BONNE CUVÉE DES ANNÉES 70

Plus tard, le phénomène allait se reproduire avec le groupe des minimes des années 75-80. Leur victoire en finale du championnat de France minime à Arras consolida un esprit de groupe bien trempé. Ils s’engagèrent dès lors sur le chemin de la gloire qui les conduisit comme un seul homme en troisième puis en deuxième division !

Ce fut d’abord l’année mythique : 1996 !

« C’est l’année où on a explosé – se souvient Sébastien Desmond ancien joueur de troisième ligne – champions du Périgord-Agenais, 16ième au championnat de France et montée en 3ième division fédérale ! Au stade Armandie à Agen pour la Finale du Périgord-Agenais, nous avions au moins 10000 supporters. Il y avait des caravanes de voitures qui nous suivaient à chaque match à l’extérieur. »

Cette équipe soudée à bloc connaîtra ensuite les honneurs de la fédérale 2, niveau quasi incroyable pour une équipe de village ! C’est que les dirigeants ont su au bon moment faire appel à des joueurs d’ailleurs, plus qualifiés. Antoine Vasquez, originaire d’Agen, l’un des meilleurs joueurs au niveau national fit beaucoup pour cette montée. Agé aujourd’hui de 43 ans, il est toujours l’un des piliers du B.A.C. et donne encore largement le change aux plus jeunes.

Après les sommets de la Fédérale 2, l’équipe connaîtra un bref maintien puis redescendra en division Honneur (2004/2005).

Le retour du soleil et du succès au printemps dernier a redynamisé le B.A.C. qui en l’autorisant à envisager dorénavant de nouvelles prouesses de l’ovalie en terre buguoise.


Sophie CATTOIRE

Nous remercions pour leurs témoignages et les archives qu’ils nous ont permis ici de vous présenter :
Pierre Lucien Bertrand, Jean Batailler, Philippe Eymerit, Bernard Bruneteau, Sébastien Desmond et Pierre Jacoutet.



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