Dans la grande tradition des sociétés secrètes – Rose-Croix, Ordre des Templiers
– la Confrérie des Haricots Couenne exerce dans l’ombre depuis ses origines. C’est
sans doute ce qui lui a permis de survivre et d’entrer de plain pied dans le 21e
siècle, toujours en secret. Cet été, pourtant, nous avons pu assister à l’adoubement
de deux nouveaux Chevaliers, passés certes maîtres dans la préparation des haricots
couenne, mais vraisemblablement doués d’autres talents, cachés ceux-ci, et justifiant
pleinement cette reconnaissance de leurs pairs.
Gilbert Gensou, 83 ans, et Gilbert Delteil, 81 ans, furent donc, ce 6 août 2006,
sacrés Chevaliers de la Confrérie des Haricots Couenne de Paunat, non sans
avoir été au préalable revêtus des atours idoines, dans un calme religieux et au
son d’une messe étrange entonnée par Jacques Saraben, officiellement artiste paunatois
distingué, officieusement, l’un des hauts dignitaires de ce millénaire mouvement.
L’un des théoriciens de cette Confrérie, Raoul Silvert, secrétaire des Amis de Paunat,
fit ensuite lecture d’une thèse à tiroirs. Apparemment l’historique du haricot à
travers les âges et les continents. Plus vraisemblablement, le récit imagé des fortunes
et infortunes légendaires des « Frères de Couenne », comme ils s’appellent entre
eux. Quant au « Père de Couenne », leader du mouvement, Roger Chapotot, maire de
Paunat, il donna ensuite, et toujours dans un langage hermétique aux néophytes,
lecture des dix commandements, charpente philosophique de cet ordre puissant.
Gilbertus Premius et Gilbertus Secundus, parés des aubes somptueuses confectionnées
pour l’occasion et, comme le veut la tradition, par les chastes mains des Sœurs
Andrée Vignal et Hélène Gensou, firent d’un bout à l’autre de la cérémonie mine
d’être étonnés. C’était une ruse bien entendu, destinée à la caméra. Sachez, messieurs
les Chevaliers que nous ne fûmes pas dupes. Votre intronisation fut le couronnement
d’une pratique à laquelle vous vous adonnez depuis fort longtemps – la préparation
des haricots couenne – dans laquelle doit bien entrer quelque magie, sinon, comment
une si petite commune attirerait-elle autant de monde autour de votre fumant chaudron ?
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