LE SACRE DU ROI DE LA FUSTE, SEIGNEUR DE BERNIFAL :
GILBERT PÉMENDRANT, LE DERNIER PAYSAN PRÉHISTORIEN.
Je croyais jusqu'alors que c'était faire des films l'aventure humaine la plus exaltante.
Journaliste de télévision pendant une première partie de ma vie, je laissais ensuite
mes films partir sur les écrans en ayant toujours donné le meilleur de moi-même,
mais sans réel feed-back au fil du temps. Grâce à Ferrassie TV, structure d'information
et de production née d'un désir d'indépendance et de vérité, je m'aperçois à quel
point après cette nouvelle approche au long cours – cinq années de rendez-vous réguliers
à La Fuste et à Bernifal – combien donc le plaisir est décuplé lors des projections
publiques de ce film documentaire où tout l'amour de la terre et des hommes quand
ils sont beaux et fiers se trouve exprimé. Car en effet, bien que parfaitement consciente
de tous les maux de la Terre, de tous les crimes présents ou passés, de la nécessité
de les dénoncer pour ne plus recommencer, je crois dur comme fer que pour témoigner
de ce que nous sommes, de ce que nous fûmes, il faut aussi donner la parole aux
êtres débordants de lumière qui pourtant n'ont jamais droit à celle des projecteurs.
Car les écouter, s'imprégner de leur joie de vivre, de leur sagesse, c'est faire
naître l'espoir d'une vie meilleure ici et maintenant, ensemble. Et pourquoi pas ?
UNE RECONNAISSANCE DE LA PROFESSION ET DE LA POPULATION
Ce message, nous l'avons constaté dès l'avant première au Pôle International de
la Préhistoire, passe à merveille. C'était bien sûr l'enjeu principal. Après une
sortie nationale grâce à la revue Sciences et Avenir, après le Festival d'Amiens
et la Mention Spéciale du Jury au Festival Objectif Préhistoire du Pech Merle, LE
DERNIER PAYSAN PRÉHISTORIEN vient d'obtenir à Bordeaux un prix particulièrement
emblématique. D'abord parce qu'il lui a été décerné par le Festival ICRONOS, pionnier
dans l'approche plurielle de l'histoire de l'humanité par le septième art, et ensuite
par sa dénomination. Le Prix du Meilleur Film pour la Recherche Créative couronne
idéalement notre démarche. Traiter avec délicatesse, de façon raffinée et allant
au-delà des clichés un sujet apparemment simple – un brave paysan pittoresque à
la tête d'une grotte ornée – en amenant à réfléchir calmement sur des questions
de fond : où sont nos traces de vie? Comment nous en imprégner ? À qui appartient
le patrimoine de l'humanité ? Tel était bien le cœur de notre recherche. Nous
lui avons donné une forme poétique, calme et posée, car de la bousculade et de l'agressivité,
rien ne naît.
Gilbert Pémendrant avec un grand sourire et les yeux mouillés, face au public, est
l'exemple vivant qu'il est possible de protéger ces fameuses traces si révélatrices
de l'imaginaire des populations du passé et de les partager. Sa grotte restée absolument
intacte accueille ceux qui font la démarche d'aller au cœur de la forêt explorer,
à ses côtés, la seule caverne préhistorique ornée sans publicité.
LE DERNIER PAYSAN PRÉHISTORIEN PRÉSENTÉ
AU FESTIVAL DU FILM DOCUMENTAIRE ENGAGÉ DANS LE LOT
Dans la foulée du Festival ICRONOS, le film et son équipe repartaient vers l'intérieur
des terres. Direction le canton de Bretenoux dans le Lot, pour participer au Festival
du Film Documentaire Engagé. Un festival porté par toute une équipe profondément
soudée. À l'origine, un ethnologue du CNRS, Michel Boccara, spécialiste des Mayas
du Yucatan au Mexique, qui publie ses travaux sous forme écrite et aussi sous forme
de documentaires, créant une collection de films témoignant sans artifice des us
et coutumes des populations étudiées. Depuis quelques années, Michel Boccara s'intéresse
au territoire du Lot et enregistre une série de portraits de gens du pays aux talents,
aux pouvoirs méconnus. « Des personnages à la fois banals et exceptionnels comme
nous le sommes tous » précise-t-il. Odette, coupeuse de feu qui a rendu indolores
tant de brûlures et de zonas, Jean-Louis, agriculteur qui lit les paysages et les
grottes ornées à la façon d'un devin qui n'aurait jamais rompu le lien avec
notre passé, Patrick, charpentier du cru qui a su établir des ponts et même bâtir
des zomes avec les étranges « bourrus », ces baba-cools arrivés au pays dans les
années 70 - tels que montrés dans l'inoubliable film de Georges Lautner « Quelques
messieurs trop tranquilles » tourné précisément dans ce canton du Lot et qui fit
cette année l'ouverture du festival au cinéma de Bretenoux - ceux-là même qui ont
su réinventer un rapport sain à la nature, à la terre mère, pour s'en nourrir sans
la tuer.
Ces portraits et bien d'autres composent un jeu de « cartes de la mémoire », édité
par l'association
« La parole a le geste », organisatrice de ce festival. Proches, fidèles, ces films
le sont aussi dans la façon dont ils sont diffusés. Dimanche 28 octobre, c'est une
balade documentaire dans le village de Cornac qui a permis au public de les voir
projetés dans les salons douillets de différentes maisons de particuliers, en présence
des « héros » filmés, afin que la rencontre et la discussion s'opèrent. Ainsi, dans
cette partie du Lot, un vrai réseau se tisse, se consolide et s'entraide par le
biais de films vrais et de la parole donnée.
Notre paysan préhistorien du Périgord, Gilbert Pémendrant, fut accueilli à bras
ouverts et a beaucoup aimé cette approche simple et fraternelle de ces ruraux qui
ne font guère la Une de journaux.
LE DERNIER PAYSAN PRÉHISTORIEN
INVITÉ À LÉGUILLAC-DE-CERCLES
Cette ambiance nous a fortement rappelé celle que nous avions tant appréciée au
café associatif de Léguillac-de-Cercles, au nord de Périgueux, où nous avions été
invités à présenter notre film le 12 octobre dernier. Un café associatif, c'est
un lieu géré par des bénévoles, dans la cas présent Aurore, Jean-Luc et Liliane,
où l'on peut partager du savoir dans des ateliers et faire vivre l'expression culturelle
sous toutes ses formes à l'occasion de soirées. Celle qui débuta pour nous à 20h30
s'acheva vers 2h00 du matin, dans une ambiance harmonieuse et apaisée. Avec comme
toujours des témoignages bouleversants émanant du public. Je laisse à ce titre le
mot de la fin à Jean Lalanne, présent dans la salle, qui m'a adressé ce si beau
message :
« Merci pour le très beau film que tu as réalisé, si patiemment, si sensiblement,
si lumineusement, avec la complicité de Gilbert Pémendrant. Ce moment passé avec
vous tout au long du film m'a beaucoup touché. J'ai simplement eu envie de vous
le dire, de vous dire combien pouvait être précieuse cette belle leçon de vie.
En vous accompagnant ainsi, en te suivant, en empruntant ton regard sur toutes les
scènes que tu as filmées, je crois que chacun pouvait se sentir plus apaisé, plus
vivant. Réconcilié peut-être avec le bonheur de vivre. Je suis sûr que la plupart
des personnes qui ont vu ton film ont été émues comme moi et sont reparties avec
un sentiment de richesse intérieure.
C'était une très émouvante escale entre les évocations de la préhistoire, les images
d'une vie rurale menacée de disparaître, la sagesse joyeuse de Gilbert. Tu as su
nous faire aimer son mode de vie, ses bonheurs retrouvés chaque jour malgré ses
difficultés.
Tu as su nous arrêter quelques instants magiques pour regarder une autre façon de
vivre, tu nous as dit de nous arrêter pour regarder ce que nous ne savons plus voir,
doucement, la beauté des choses.
Tu nous as arrêtés dans notre course vaine, notre conditionnement à courir, tout
ce qui nous empêche de voir que nous sommes vivants.
Tu as su nous faire retrouver un instant ce que nous ne savons plus ressentir, l'attention
à l'autre, la chaleur humaine, la complicité.
Tu nous as fait partager en fait ce que tu es toi, et nous étions consentants.
Merci pour cette belle rencontre.
Amitiés. Jean. »
Merci à toi Jean, c'est comme si tu avais regardé le film du point de vue de Gilbert,
et ainsi saisi un portrait en creux de celle qui tenait la caméra. Je suis flattée
et j'assume car toute est fidèle à ma recherche créative, profondément.
Sophie Cattoire
SOIRÉE CINÉ-RENCONTRE
Jeudi 17 janvier 2013 à 20h30
Cinéma Notre-Dame de Mussidan
en présence de Gilbert Pémendrant,
propriétaire de la grotte de Bernifal à Meyrals,
et Sophie Cattoire, réalisatrice.
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