QUAND L'ENFANT BUGUOIS DEVIENT VICE ROI AFRICAIN
Ce goût des choses rares et cet esprit pionnier constituent pour Jean Batailler
une sorte d'héritage familial. Son grand-père fut à la fin du XIXème siècle, dans
la région du Bugue, le premier à monter une entreprise de battage « industriel ».
Avec sa locomobile - machine à vapeur qui actionnait la batteuse – il sillonnait
les campagnes, de la Plaine du Coux jusqu'à Belvès.
Jean, lui, attendit l'âge de 39 ans pour donner la pleine mesure de son esprit aventurier.
Il avait certes déjà prouvé sa hardiesse en restant dix ans 3ième ligne dans le
club de rugby local. Mais il était temps à présent de quitter le pré pour les pistes.
Dans les années 70, le travail de cadastre en Périgord étant accompli, il plie bagage
avec son épouse Gisèle et leurs enfants et débarque à Abidjan en Côte d'Ivoire pour
de nouvelles aventures cadastrales et humaines.
Son travail l'amenant à sillonner tout le pays, il se fait des amis un peu partout.
À commencer par Gaspard, un singe roux, de compagnie, qui savait « déplier les bonbons
» nous précise-t-il.
Au Sud-Est de la Côte d'Ivoire, Jean Batailler se lie d'amitié avec « Croutchi II
», Roi des Appolloniens, l'ethnie locale, et chef du canton de Tiapoum, vis à vis
de la capitale Abidjan. Croutchi II prend ce grand Blanc en affection et le nomme
« vice roi », un concept entre dauphin et adjoint, taillé sur mesure et célébré
par une grande fête traditionnelle en guise d'intronisation.
Au Nord de la Côte d'Ivoire, le géomètre sympathise avec Gon Coulibaly, Roi des
Senoufos, peuplade du Sud du Burkina Faso. Député maire de Korhogo, il est aussi
ministre et vice président de l'Assemblée Nationale. Ce haut personnage nomme Jean
Batailler « chef Senoufo ». Ces titres le flattent, mais sa passion, la vraie, est
la collecte d'objets rares : photographies et œuvres d'art.
La brousse en chambre noire façon François-Edmond Fortier
Dès qu'il les découvre, il tombe sous le charme des clichés de François-Edmond Fortier.
Né en 1862 dans les Vosges, implanté à Dakar peu avant 1900, il va signer en dix
ans plus de huit mille cartes postales qui n'ont rien des images d'Epinal. La tendresse
de son regard sur l'identité culturelle des peuples qu'il immortalise donne à ces
cartes, faites pour colporter des nouvelles, une fraîcheur anthropologique certaine.
Il y a le souhait de comprendre et de respecter au-delà de l'exotisme colonial forcément
en vigueur dans cette Afrique de l'Ouest alors « française ». Il se trouve
parfois engagé comme photographe officiel lors des déplacements des autorités coloniales.
Ses 160 cartes du « Voyage à la côte d'Afrique » illustrent les périples
du ministre des Colonies, Millies-Lacroix, et de sa suite en avril-mai 1908. Pour
autant son approche reste non conformiste et résolument personnelle. En dépit des
milliers de cartes laissées comme autant de petits cailloux noirs sur l'Ouest Africain,
François-Edmond Fortier reste fascinant de mystère. Sa biographie est incertaine,
son oeuvre indomptable. Ce portraitiste insatiable, qui n'a laissé aucun autoportrait,
vivait avec ses deux filles blondes à deux pas du marché Kermel au coeur du vieux
Dakar. Jusqu'à sa mort, le 24 février 1928, il demeura négociant en cartes postales
« Gros & Détail » mais aussi papetier-libraire, parfumeur-maroquinier,
marchand de plumes d'autruche et de « curiosités indigènes ». Voici les
seuls éléments concrets dont disposent les cinq grands collectionneurs de ses photographies,
parmi lesquels on compte Jean Batailler.
Pendant ce temps là, en Périgord furète Henry Guillier
Dans le même temps, en parallèle, mais sous une autre latitude et de l'autre coté
de la mer, un photographe tout aussi gourmand ratissait le Sud-Ouest de la France.
Henry Guillier était le fils d’un papetier-imprimeur de Libourne. Dès l’apparition
de la photographie, il se passionne pour cette magie et devient l’éditeur de cartes
postales le plus prolifique de toute l’Aquitaine. A sa mort en 1912, il laisse plus
de 13 000 clichés donnant à voir la Gironde, la Dordogne, le Lot-et-Garonne, les
Charentes et les Landes. Guillier est un reporter qui se déplace à bord d’une automobile,
l’une des premières en circulation, avec son fils pour chauffeur et assistant. Cela
lui permet de transporter un matériel encombrant – chambre noire, plaques de verre,
trépied – jusqu’au hameaux les plus isolés. Ainsi peut-il photographier des scènes
pittoresques de la vie paysanne dans des lieux où ni les touristes ni ses concurrents
ne s’aventurent. Ses images présentent ainsi un intérêt documentaire et ethnographique
certain, tout comme, en Afrique, celles de Fortier.
Henry Guillier comme François-Edmond Fortier ont ainsi eu pour armes l’arrivée concomitante
sur le marché de l’automobile et de la photographie, deux pures merveilles pour
assouvir leurs curiosités et leurs esprits pionniers.
Le retour de l'enfant prodige... de la case aux cavernes
Dès son retour en France, en 1989, Jean Batailler s'engage dans la gestion municipale
en tant que premier adjoint chargé des Finances et de l'Administration générale.
D'un point de vue préhistorique, son retour tombe à pic. C'est lui qui sauve du
bourbier les vestiges des grottes de Lascaux et de Bara Bahau collectés par l'Abbé
Glory, illustre préhistorien buguois. Après sa mort, le fruit de ses fouilles, bois
de rennes, morceaux de charbon, lampes en pierre, pointes de flèches, documents,
dessins et photos des sites lors de leurs découvertes étaient restés à son domicile
au Bugue. Sans l'intervention de Jean Batailler, alerté par le voisin Jacques Gipoulou,
le tout aurait été jeté. « Je suis l'inventeur du trésor de l'Abbé Glory »
dit aujourd'hui avec fierté le collectionneur invétéré qu'il demeure à 75 ans.
Dans ses bagages, des poids à peser l'or du pays Baoulé
À l'occasion de ce tournage, Jean Batailler nous a présenté en exclusivité sa collection
de Poids Akan Baoulé, utilisés autrefois sur la Côte de l'Or africaine pour peser
la poudre d'or, monnaie d'échange très prisée par les Blancs. Ces figurines de bronze
ou laiton, empreintes d'humour et de mythologie, étaient fondues à exemplaire unique
par le procédé de la cire perdue. Chacune d'entre elles constitue donc une oeuvre
d'art originale. Elles renferment en quelques grammes, très précisément dénombrés,
un fantastique raccourci de l'histoire du Royaume Ashanti.
Fondé par Osaï Tutu, contemporain et cousin en royauté de Louis XIV, l'Etat Ashanti
prospéra jusqu'à la conquête anglaise au XVIIIème siècle. Son peuple utilisait l'or
brut ou en paillettes comme monnaie d'échange. Il n'était guère aisé pour les artisans
de réaliser dès le premier jet des statuettes au poids réglementaire, c'est pourquoi
on trouve des crocodiles avec des colliers de plomb ou avec un poisson dans la bouche.
Cette devise à 24 carats nécessitait pour sa mise en oeuvre tout un attirail des
plus raffiné : boîte finement ciselée pour contenir la poudre d'or, petite pelle,
balance sans fléau et donc ces fameuses figurines appelées aussi pesons. Les Européens
se procuraient cette poudre d'or en échange d'objets manufacturés divers : armes
à feu, pièges à rat, tenailles, soufflets et jeux de clefs qui séduisaient particulièrement
les autochtones, non encore équipés de mode de fermeture aussi sophistiqué. Les
Poids Ashanti ont par la suite fait des émules surtout chez leurs voisins Baoulé
de Côte d'Ivoire. La collection de Jean Batailler rassemble une très belle série
de Poids Akan Baoulé façonnés en Côte d'Ivoire, parmi lesquels des jeux traditionnels
africains de la famille des mancalas. Le Sérata et le Wari représentés ici en miniature
sont accessibles sur ce site. Pour y jouer grandeur nature cliquez sur la photo
ci-dessus.
Jean Batailler a eu la gentillesse de nous accueillir, de nous présenter Vanille
de la Basse Dordogne – un Lagotto Romagnolo, issue d'une très ancienne lignée romaine,
chien exceptionnel pour la truffe – et nous a autorisé à faire paraître dans www.albuga.info un aperçu de ses collections de
cartes postales d'Afrique et du Périgord au début du siècle dernier.
Regardez comme elles se répondent et se font des sourires. Les parallèles sont bien
souvent troublants. Pour son accueil et l'accès à ses documents, nous tenons à remercier
Jean Batailler et vous invitons à découvrir ici sa nuée de souvenirs migrateurs.
Sophie Cattoire
Nous remercions Patricia Peraro pour son aide précieuse quant à la captation des archives de ces pages.
Cartes postales François-Edmond Fortier, Collection Batailler
Afrique
Occidentale, Sénégal, femme Ouolof |
Afrique
Occidentale, Sénégal, femme Pourougne |
Afrique
Occidentale, Sénégal, femme Peulhe du Cayor |
Afrique
Occidentale, Guinée, femme Foulah |
Afrique
Occidentale, femmes Foulbés
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Afrique
Française, Haute-Guinée, jeune fille type Djallonké
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Afrique
Occidentale, Soudan, couple de Bobos, région de Koury
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Afrique
Occidentale, Sénégal, couple de Pourougnes
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Afrique
Occidentale, Sénégal-Guinée, famille Soussou
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Afrique
Occidentale, Soudan, Chasseurs et guerriers de Mossi
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Afrique
Occidentale, Tam-Tam de "Habbès Macina"
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Afrique
Occidentale, Sénégal, type Lahobes
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Afrique
Occidentale, Termitière et type Malinké
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Afrique
Occidentale, Soudan, Boucherie Modèle
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Afrique
Française, Soudan, Maçon indigène (Burï) n'a d'autre outil que ses mains
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Afrique
Occidentale, Teinturières Malinkées
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Afrique
Occidentale, Musiciens (tam-tam et balafon) et Danseurs Djennenkés
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Afrique
Occidentale, Soudan, Fileuses de coton
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Cartes postales Henry Guillier, Collection Batailler
1 :
Brantôme près de Périgueux. Deuxième entrée de la « chambre brune », ancien repaire
de faux-monnayeurs au Moyen Age. |
2 :
Brantôme près de Périgueux. Habitations troglodytiques. |
3 :
Brantôme près de Périgueux. Dolmen de Pierre Levée. |
4 :
Langoiran en Gironde. Pierre monolithe appelée "Cep" dans les jardins de l’ancien
château. |
5 :
Moncaret en Dordogne. Antique fontaine des fées.
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6 :
Sainte-Radegonde en Gironde. La fontaine et le lavoir.
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7 :
Eymet, un coin de la ville, rue Portanel.
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8 :
Hautefort près de Périgueux. Château d’Hautefort.
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9 :
Gardien d’oies dans les Landes de Gascogne.
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10
: Sainte-Foy-la-Grande, la Halle, place des Frères.
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11
: Libourne, rue Gambetta.
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12
: Libourne, Place Decazes, Foire de la Saint-Martin.
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13
: Mios, en Gironde. Les bords de la Leyre.
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14
: Gujan-Mestras, Bassin d’Arcachon. Attelage landais.
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15
: Attelage landais transportant la résine dans les Landes.
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16
: La vie des champs en Dordogne, le repos.
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17
: Saint-Emilion près de Libourne,. Clos des Cordeliers, chantier de dégorgement
(mise en bouteille du vin).
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18
: Le Buisson en Dordogne. Cueillette des tabacs, visite des plantes mères.
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