QUI TROUVE UNE SOURCE TROUVE UNE GROTTE
Les trous, les cavités sont partout sous nos pieds en Périgord, encore faut-il savoir
les trouver… Eric Castang et Jean Michel Degeix vivent cette aventure comme une
quête des plus excitante. Les samedi et dimanche, ils se retrouvent et furètent
ici et là, toujours aux aguets. Pour ne pas creuser au hasard, il y a des indices
bien sûr — les tumulus, les trous de blaireaux, les courants d’air qui s’en échappent
— mais il y a aussi une sorte de flair, de sensation qu’Eric Castang expérimente
le plus naturellement du monde depuis longtemps. A l’aide d’un pendule, il localise
les cavités, grotte ou lit de rivière vide ou empli d’eaux souterraines, dans la
grande tradition des sourciers. C’est ainsi que les deux amis ont commencé à creuser
à flanc de coteau, dans la région du Bugue, à l’automne dernier. Ce jour-là, le
19 novembre 2005, ils prospectaient, accompagnés du fils de Jean-Michel Degeix,
le petit Mykolas, 3 ans, qui eut donc la primeur de leur surprenante découverte
: une grotte abritant cinq ou six squelettes vieux de plusieurs millénaires !
La grotte « Mykolas » comme les inventeurs l’ont aussitôt appelée, avait alors fait
grand bruit dans le canton. Mais, par souci de protéger les lieux et de laisser
travailler les scientifiques en toute sérénité, les inventeurs ont su être remarquablement
discrets. Ils ont signalé dès le 21 novembre 2005 leur découverte aux services de
l’Etat compétents qui ont dès lors entamé le suivi archéologique approprié.
Norbert Aujoulat, le grand spécialiste de l’art pariétal au Centre National de Préhistoire
de Périgueux, ainsi que Nathalie Fourment et Olivier Ferrullo du Service régional
de l’Archéologie (DRAC Aquitaine) sont venus sur place le 7 décembre 2005 afin d’effectuer
des prélèvements d’os et de tessons de céramique, en présence des inventeurs. Fin
mars 2006, les datations au carbone 14, faites en Pologne, ont révélé ceci :
- Un des hommes dont on a retrouvé le squelette reposait là depuis déjà 5000 ans.
- L’un des quatre ou cinq autres s’y trouvait depuis seulement 3600 ans.
Ils ne se sont donc pas connus, mais cet endroit lui a été utilisé à 1400 ans d'intervalle
!
Un laps de temps considérable qui nous fait voyager de l’Âge du Cuivre jusqu’à l’Âge
du Bronze et qui questionne sur l’importance protohistorique de ce lieu (voir article sur la Protohistoire). Un lieu
captivant, il est vrai, au premier coup d’œil. Cette grotte ressemble
à une sorte de dolmen souterrain avec un plafond très plat et des parois convexes.
Il continue de poser différentes questions :
- De quand datent les trois ou quatre autres squelettes ?
- Cet endroit a-t-il été un lieu de pratiques funéraires ?
Une chose est certaine : ce lieu a beaucoup à nous apprendre sur le mode de vie
de nos ancêtres de cette période, le Néolithique, qui voit apparaître les débuts
de la métallurgie.
L’homme, jusqu’alors nomade, vient de se sédentariser et de goûter aux joies de
l’agriculture. Cette période appelée Protohistoire est assez méconnue et reste quasi
absente des manuels d’histoire. C’est pourtant à ce moment là qu’ont germé en Europe
les premières civilisations paysannes, celles qui ont façonné les usages et les
paysages qui nous sont familiers.
Une équipe de chercheurs, intéressés par cette découverte, sont en
train d’étudier la possibilité de faire des fouilles dans la grotte Mykolas l’année
prochaine. L'opération projetée associera le Laboratoire d'Anthropologie de Bordeaux, le Musée National
de Préhistoire, le Service Régional de l’Archéologie et les inventeurs, comme nous l’a indiqué monsieur Dany Barraud, conservateur régional de
l’Archéologie.
Un grand espoir pour les inventeurs qui seraient partie prenante dans cette nouvelle
plongée au cœur de l’histoire de l’humanité.
Sophie CATTOIRE
Eric Castang et Jean-Michel Degeix sont membres du club G3S —
Groupe Spéléologique, Scientifique et Sportif — basé à Périgueux et membre de l'A.O.L (Association des
Oeuvres Laïques), section spéléologie. Ce club existe
depuis trente ans et contribue à dresser la carte du milieu souterrain avec l’ambition
de le protéger. C’est ainsi, par exemple, que lors des plongées dans les nappes
d’eaux souterraines, les traces de pollution peuvent être signalées. Le G3S effectue
de nombreuses prospections en Périgord et organise aussi des expéditions à l’étranger.
Nous remercions monsieur Dany Barraud, Conservateur Régional de l’Archéologie, pour
avoir supervisé cet article et l’ensemble des photos et reportages vidéo qui l'accompagnent
et avoir autorisé leurs publications.
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