Ce samedi 2 mars 2013, la foule se presse autour de la petite église de Sergeac
surplombant le vallon de Castel Merle. Une foule calme et chaleureuse, triste mais
apaisée car celui auquel tous sont venus rendre un dernier hommage s'est éteint
de façon sereine, dans son sommeil, comme il l'avait souhaité. René Castanet, tous
ceux qui l'ont connu l'ont aimé.
Grand amoureux de la nature, fervent préhistorien, il était passé maître dans l'art
de retrouver les gestes des tailleurs de pierre qui l'avaient précédé sur sa terre,
laissant dans le vallon de Castel Merle trace du royaume de leur imaginaire sous
forme d'une succession d'abris ornés et de parures et objets d'art magnifiquement
ouvragés.
Son petit musée à taille humaine resplendissait par la qualité des pièces joliment
présentées et par la lumière de son regard enjoué où brillait connaissance et bonté.
Pour l'accompagner dans le cimetière délicatement ensoleillé, gens du pays, préhistoriens,
amateurs, amis et proches marchent à pas feutrés. La peine les étreint mais aussi
la fierté de l'avoir côtoyé. Parmi ceux-ci deux amis de longue date, venus de Paris
et de Normandie, avaient choisi d'avoir ici à Sergeac leur résidence d'été précisément
pour être régulièrement à ses côtés. Jacques Delmon, fou de recherche préhistorique
qu'il a pratiquée sur différents sites en France et en Indonésie avec son autre grand
ami Henry de Lumley et Jean-Luc Piel-Desruisseaux, chirurgien, spécialiste de l'outil
préhistorique, avaient tous deux préparé des témoignages simples et sincères de
leur profonde amitié afin de restituer aux yeux du monde sa belle personnalité.
Ils nous les ont confiés. Qu'ils en soient fraternellement remerciés. Ils sont pour
René.
Sophie Cattoire
Pour René Castanet : deux ou trois choses que je savais de toi – 2 mars 2013
Comme tu vas me manquer, mon cher René !
Notre première rencontre remonte à 1976 et tu m’avais accueilli sur ton fier rocher
de Castel Merle. C’est ton musée qui m’y avait attiré, c’est-à-dire la Préhistoire
et aussi le nom si chantant de ce site magnifique. Mais c’est toi qui m’y fis revenir
si souvent.
Régulièrement, le chemin de mes vacances d’été me ramenait vers Sergeac et vers
toi car bien vite, ta riche personnalité a catalysé pour moi tout ce que j’aimais
dans ta région.
Toi-même, ta famille ont facilité notre décision d’avoir une maison à Sergeac et
permis notre installation. C’était pour moi un retour dans le pays de mes arrières
grands parents paternels, mais plus encore une adhésion à une région qui nous était
devenue grâce à toi familière. Ce fut aussi, au fil des années et de nos longues
conversations, un magnifique chemin vers toi, mon cher René et aussi vers Andréa,
ton épouse discrète et si attentionnée, à laquelle je pense tant aujourd’hui.
Les années ont passé, mais à chacun de mes retours au pays, je te devais toujours
ma première visite. Dans les longs mois d’hiver, quand je ne venais pas, j’avais
besoin d’entendre régulièrement ta voix comme celle d’Andréa, d’avoir de vos nouvelles
à tous les deux, comme il y a peu, en début février, quand nous nous sommes encore
parlé.
Tu n’avais pas seulement le « cœur gros », mon cher René, tu l’avais large et généreux !
Tu as tant apporté à tes semblables, à ta famille d’abord, à tes voisins et amis
du village, surtout lorsque tu étais maire, à tous les visiteurs de ton musée, que
ta riche personnalité impressionnait tout autant que ton érudition toujours imprégnée
de l’infinie reconnaissance que tu témoignais à ton père Marcel qui, quand tu étais
très jeune, t’avait fait goûter la « potion magique de la Préhistoire ». Mais tant
d’autres domaines t’attiraient : l’histoire locale mais aussi l’astronomie, la vie
des abeilles mais encore les nids d’oiseaux. Tu étais la Mémoire du Pays et le Sage
que l’on venait consulter.
Tu aimais tant les animaux, le regard d’un chien pouvait si profondément t’émouvoir
qu’ils sont nombreux les chiens perdus de la région qui se sont « donné le mot »
pour se faire adopter par toi et Andréa. Même un petit marcassin, découvert gravement
blessé par une chute dans le vallon, paralysé de l’arrière-train, a trouvé chez
toi et Andréa, tout le secours bienveillant qui puisse assurer sa survie : élevé
au biberon par Andréa, soigné par le vétérinaire que régulièrement tu faisais venir
pour lui, ce petit marcassin a croisé, chez toi, au cours de sa brève existence
« la bonté humaine ».
Quelle leçon tu nous donnais alors, sans jamais d’ostentation, dans la discrétion
et la sobriété !
Un Président de la République même, que tu as croisé un jour ici, avait été impressionné
par toi et voulait te revoir, pour poursuivre dans la tranquillité, une conversation
humaniste dont il avait perçu toute la sagesse. Hélas, le destin ne lui a pas permis
de te retrouver.
C’est à beaucoup que tu vas manquer, mon cher René !
A Andréa, ta bonne et tendre épouse Andréa bien sûr, à ta famille entière, à tes
voisins et amis de Sergeac, à ceux du Périgord où ta personnalité était si appréciée,
aux visiteurs français et étrangers qui venaient si nombreux, jeunes et moins jeunes,
chaque année t’écouter avec passion. Tu leur as consacré ta dernière énergie, dans
ton musée, à leur conter la longue histoire de nos ancêtres et tu les as aussi rendus
sensibles à ta vision du monde si généreuse. Tu savais si bien parler de l’Homme
quand tu en portais si haut les valeurs les plus nobles.
Quelle chance de t’avoir croisé sur cette Terre, mon cher René. Moi, je ne pourrai
t’oublier !
Jacques Delmon
Mardi dernier, René, tu nous as lu ce qui sera ton dernier écrit, destiné aux visiteur
de ton musée.
Tu racontais l'histoire d'une personne qui vivait à l'abri Blanchard sous Castel
Merle et qui notait sur un petit morceau d'ivoire de mammouth ce qui était « destiné
à composer un calendrier lunaire ».
Tu nous disais que « l'on peut imaginer qu'il s'agit du travail d'observation d'un
homme de Cro Magnon intelligent, curieux et artiste qui s'asseyait très probablement
chaque nuit devant son abri pour graver finement sur sa plaquette l'évolution de
la forme de la lune dans les différentes phases successives et régulières, ainsi
que le décalage du couché quand cet astre disparaît derrière le coteau de l'autre
côté du vallon ».
Les qualités que tu as reconnues chez cet homme d'il y a bien longtemps : intelligent,
curieux, artiste resterons pour nous les tiennes.
Sois certain René, nous entourerons Andréa afin que longtemps encore elle nous parle
de toi et de tes passions.
Jean-Luc Piel-Desruisseaux
N.B. René et Isabelle Castanet avaient participé en automne dernier à l'enregistrement
de l'émission Cap Sud Ouest réalisée par Martin Ducros et présentée par Éric Perrin consacrée au Patrimoine du Périgord. Cette
émission en deux volets sera diffusée en avril sur France 3 AQUITAINE. L'occasion
de retrouver cette famille qui poursuit la si belle tradition du partage des trésors
laissés par nos lointains ancêtres en Périgord.
"La Dordogne, le pays de l'homme" sera diffusé le 13 avril à 16h20
et "Périgord, les 1001 châteaux" sera diffusé le 20 avril à 16h20.
Une avant-première de ces deux émissions aura lieu ce jeudi 4 avril à 19h30 au
Musée national de Préhistoire des Eyzies.
Vous pourrez y assister en vous inscrivant au 05-56-01-38-66, dans la limite des
places disponibles.
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